La prière commune construit la communauté en même temps qu'elle construit la relation de chaque croyant
avec son Dieu et avec ses frères. Dès les débuts du christianisme, elle façonne l'Eglise:
"Tous, unanimes, étaient assidus à la prière..." (Actes des Apôtres, 1,14).
La liturgie, ou prière commune de l'Eglise, inclut la célébration de l'Eucharistie (la Messe) et celle de l'Office divin
ou liturgie des Heures. Cette dernière rythme la journée par des Offices plus ou moins longs, essentiellement
constitués de textes bibliques: on y chante les Psaumes (Prières de l'Ancien Testament), on y lit d'autres textes
importants de la Bible. On y prie aussi pour l'Eglise et pour tous les hommes.
Si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux.
Evangile de Matthieu, 18, 19-20.
Un temps fort de la vie de chaque moniale
L'Eucharistie est le centre et le sommet de la vie chrétienne. Avec elle, l'office divin (ou "Œuvre
de Dieu") est d'une importance centrale dans la vie monastique.
La Règle de Saint Benoît demande en effet:
"qu'à l'œuvre de Dieu, rien ne soit préféré"; et les Constitutions de notre Ordre, qui expriment notre
spiritualité, soulignent: Dans la célébration liturgique, le but spirituel de la communauté apparaît de façon toute
spéciale ; le sens profond de la vocation monastique et la communion des sœurs s'affermissent et s'accroissent. La
Parole de Dieu y est écoutée chaque jour, le sacrifice de louange est offert à Dieu le Père ; on y participe au mystère
du Christ et l'œuvre de notre sanctification par l'Esprit-Saint se réalise. (...) La liturgie des Heures est une
école de prière continuelle.
En effet, le rythme des offices, en nous ramenant périodiquement devant Dieu, nous permet
de nous recentrer sur le coeur de notre vie: la recherche et l'amour du Seigneur.
Un critère de vocation monastique est la capacité (au fil des années, et avec l'aide de l'Esprit Saint)
d'aller plus loin que l'aspect formel et extérieur de la
célébration liturgique. Celle-ci devient alors à la fois prière de chacun et prière de tous,
à la fois nourriture spirituelle personnelle et union à Dieu, à la communauté et à toute l'humanité.
Les fidèles incorporés à l’Église par le baptême ont reçu un caractère qui les
délègue pour le culte religieux chrétien ; devenus fils de Dieu par une
régénération, ils sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l’Église
ils ont reçue de Dieu (...). Participant au
sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils
offrent à Dieu la victime divine et s’offrent eux-mêmes avec elle ; ainsi, tant
par l’oblation que par la sainte communion, tous, non pas indifféremment mais
chacun à sa manière, prennent leur part originale dans l’action liturgique. Il
s’ensuit sous une forme concrète qu’ils manifestent, ayant été renouvelés par le
Corps du Christ au cours de la sainte liturgie eucharistique, l’unité du Peuple
de Dieu que ce grand sacrement signifie en perfection et réalise admirablement.
Concile Vatican II,
Constitution dogmatique Lumen Gentium (La lumière des nations. Sur l'Eglise), n°11.
Le paradoxe de la prière:
«
Ponctuant l'uniformité de l'espace, la prière a des lieux propres et des attitudes définies. De telles
déterminations étonnent. L'orant [celui qui prie] n'a-t-il pas à reconnaître, par tout ce qu'il est, que Dieu
est tout? Circonscrire le culte, n'est-ce pas nier ce projet, en réduisant l'aire des interpellations divines
et des réponses humaines à la propriété privée que délimitent ces frontières? Lui fixer un geste, n'est-ce pas
le paralyser? De fait, ce qui ne peut être qu'universel dans son intention n'apparaît que sous la forme de la
particularité. De ce point de vue, la prière est paradoxe. Mais son acte dévoile la signification du paradoxe :
le geste est esprit. Si la prière aspire à rencontrer Dieu, le rendez-vous se situe toujours sur les terres de
l'homme, au croisement de son corps et de son âme.
Michel de Certeau, La faiblesse de croire, Seuil, 2003, p. 31.