|
QUELQUES DATES
1147 Fondation du monastère par des moines cisterciens.
1791 La Révolution disperse la communauté. Les bâtiments et les terrains sont vendus comme biens nationaux.
1875 Refondation par des moniales cisterciennes-trappistines.
L'abbaye de Bonneval, de sa fondation (1147) à la Révolution
Aujourd'hui,
celui qui arrive d'Espalion découvre au fond de la vallée deux
pavillons reliés par le portail d'entrée où, dans sa niche encadrée de
colonnettes, sourit une Vierge à l'Enfant du XIIe siècle. Les tours,
rondes et carrées, avec ou sans mâchicoulis, et l'ensemble des bâtiments de
styles variés surprennent d'emblée. Ces fortifications de diverses
époques sont les témoins d'une histoire mouvementée: guerre de Cent Ans
et guerres de religion, pillages et incendies n'épargnèrent pas le
monastère, malgré tout occupé par une communauté suffisamment nombreuse
jusqu'à la Révolution.
Les refondatrices de Bonneval.
|
L'origine de l'abbaye
De
Cîteaux... Un style de vie plus simple, plus
de solitude et de séparation du monde, plus de pauvreté dans la
nourriture et le vêtement, remise en honneur du travail des mains:
telles étaient les aspirations des premiers cisterciens, qui étaient d'abord
des moines bénédictins désireux de revenir à la fidélité à la Règle de Saint Benoît. De toutes les fondations
monastiques de cette époque, aucune ne connut un essor comparable à
celui de leur "Nouveau Monastère" établi dans la forêt de Cîteaux (1098).
...A Bonneval Appartenant à la filiation
directe de Cîteaux (par Bonnevaux et Mazan), l'abbaye de Bonneval en
Rouergue voit le jour en 1147. |
Cisterciens au travail (Enluminure du XIIe s.)
| La fondation
L'abbaye doit l'initiative de sa fondation à Guillaume de
Calmont d'Olt, évêque de Cahors (1113-1143/1145), dont le château familial domine
encore Espalion. A sa demande, sept moines venus de Mazan en Vivarais avec
leur prieur Adhémar s'installèrent à Pussac, non loin de la route qui
descend de Laguiole vers Espalion. Puis, quelque temps après, sans doute pour
trouver plus de solitude, des sources d'eau en abondance et la proximité de la
rivière, ils vinrent se fixer deux kilomètres plus loin, plus profondément dans la vallée, au lieu
dit "Bonalde". Une vallée sauvage aux pentes abruptes, laissant voir de
grosses roches à nu au milieu de hêtres, de chênes, de frênes... Au milieu coule
une rivière, la Boralde de Flaujac. C'est un
site cistercien typique: car "Benoît aimait les collines, Bernard les
vallées" selon un adage médiéval. |
Une abbaye et des "granges"
Le monastère connut son apogée aux XIIe et XIIIe siècles, tant par rapport au nombre
de moines qu'à l'extension des biens et possessions souvent regroupées
autour de "granges", généralement fortifiées elles aussi (Parmi elles:
Galinières - énorme ensemble fortifié au moment de la Guerre de Cent
Ans, au centre d'un domaine d'environ 800 ha, servi par un système complexe d'irrigation - , La Roquette, La Vayssière,
Masse - et sa tour-donjon de 25m de haut à échauguettes -, Séveyrac,
Biac...). Dans ces granges, quelques frères convers habitaient pour faire
valoir le domaine, avec parfois un moine (Car seuls les "moines de choeur" pouvaient être
prêtres et donc célébrer la messe dans les granges éloignées de l'abbaye). Des laïcs,
"donnés" ou "donnats" qui ne prononçaient pas les voeux religieux, pouvaient
également faire partie du personnel des "granges".
|
|
La croix processionnelle de Bonneval,
XIIIe s. (détail). Elle est en cuivre et émail: la pauvreté cistercienne des débuts évitait l'usage de l'or. (Musée de Cluny, Paris)
| Richesses et problèmes
L'abbaye devient une des plus riches de la région, à la faveur de nombreux dons.
Ses possessions s'étendent très loin. De nombreuses familles nobles soutiennent
l'abbaye; parfois, certains demandent à y être enterrés, comme par exemple le Connétable de France
Bernard VII d'Armagnac au début du XVe s. Le recrutement ne faiblit pas; les jeunes moines sont
envoyés étudier aux collèges de l'Ordre cistercien (Ou collèges des Bernardins) de Toulouse et de Paris.
Mais, malgré ou à cause de la richesse de l'abbaye, la vie monastique proprement dite
connaît assez vite un certain déclin. Dès la fondation, les moines acceptent de percevoir
l'impôt ecclésiastique (la dîme) puis d'autres taxes (droits de péage, droits seigneuriaux...),
alors que la réforme cistercienne avait
justement pour but, entre autres, que les moines vivent seulement du
travail de leurs mains. L'abbaye deviendra très riche au milieu d'une
population pauvre ("miséreuse", selon les curés des paroisses autour de
Bonneval, interrogés par l'évêque de Rodez à la veille de la
Révolution)... A cette cause interne d'affaiblissement de la vie monastique s'ajoutent aussi d'autres
facteurs, externes ceux-ci: ce sont les guerres et surtout la
"Commende". |
Les guerres
En effet, la Guerre de Cent Ans (1340-1453) touche de près la région: en 1360,
le Rouergue est donné aux Anglais (traité de Brétigny). L'abbaye et ses alentours sont ravagés.
Par la suite, divers conflits (Guerres de religion à la fin du XVIe siècle, soulèvements lors
du rattachement du comté de Rodez au Royaume de France au début du XVIIe...) seront
l'occasion pour des bandes armées de se ravitailler en pillant ce riche
monastère. Bien sûr, ces périodes troublées où la communauté doit fuir
ne favorisent ni le recrutement, ni la vie monastique: en 1393, abbé et
moines se partagent les revenus, ce qui n'est évidemment pas non
plus prévu par la Règle de S. Benoît, ni de manière générale par la spiritualité
monastique qui veut la mise en commun des biens et une grande simplicité de vie.
L'ingérence royale: la Commende
Mais c'est
surtout la Commende qui détériore la vie communautaire. Il s'agissait
d'un accord entre le pape et le roi de France (1516) prévoyant
notamment que les abbés ne seraient plus élus par les communautés mais
directement nommés par le roi. Ces "abbés commendataires" seraient
généralement des protégés du roi n'ayant rien à voir avec la vie
monastique, et ils seraient autorisés à s'arroger une partie importante
du revenu des abbayes... et à limiter le nombre de novices. A part une
brève période de retour à la normale au XVIIe siècle, qui permet au recrutement
et à la vie monastique de reprendre de la vigueur, l'abbaye sera
"sous commende" jusqu'à la Révolution.
Bonneval sera noviciat régional de l'Ordre de 1627 à
la Révolution (dans un premier temps avec l'abbaye de Grandselve), ce qui témoigne
malgré tout de son rayonnement.
La Révolution
Pendant la
Grande Peur de 1789, le prieur et une cinquantaine de paysans se
réfugient au donjon de Masse. Les moines cessent de percevoir dîmes et
rentes, ce qui tarit leurs revenus; et ils cessent leurs aumônes, notamment
la distribution quotidienne de pain à la porte du monastère, ce qui
provoque des émeutes: le Jeudi Saint 1791, il faut envoyer un détachement de la garde nationale
pour calmer "une foule de mendiants" (selon les archives municipales d'Espalion). Puis les 13 moines restants sont priés de quitter
l'abbaye (1791). Ceux qui accepteront de signer la Constitution civile
du Clergé ne seront pas inquiétés. Il semble qu'un seul d'entre eux, fr. Jean-Jacques Seconds, ait
refusé et ait été déporté.
L'abbaye est découpée en lots et vendue.
Elle servira de carrière de pierres, comme beaucoup d'édifices
religieux pendant et après la Révolution. |
La tour de Masse, autre grange de l'abbaye |
La renaissance de l'abbaye
Ce n'est qu'après un long temps de silence, qu'au milieu du
XIXe siècle, une campagne menée par l'abbé Bousquet, curé de Buzeins et
premier historien de Bonneval, essaya de relever les ruines en les
proposant à des communautés masculines qui n'acceptèrent pas ce site
sauvage et impropre à l'agriculture. Il fut repris, vingt ans plus tard
en 1875, par l'évêque de Rodez, Mgr Bourret, en lien avec le Père Abbé
d'Aiguebelle. Les moniales cisterciennes de Maubec, dans la Drôme,
cherchant un lieu de fondation, envoyèrent une petite colonie de
soeurs, qui au prix de gros efforts, allait faire revivre Bonneval dès
le mois de septembre 1875.
Vous connaissez d'autres informations sur l'histoire de Bonneval?
Envoyez-les
nous!
|
|